Au printemps 1975, nous partons en voiture avec Pascal Bejui et Philippe Morel pour deux semaines en Autriche. Des locomotives à vapeur y sont toujours en service régulier et celles des « pays de l’Est » voisins y pénètrent encore. C’est ainsi que l’on peut observer des machines tchécoslovaques à Gmünd et Summerau, des yougoslaves à Spielfeld-Strasse et des hongroises à Neusiedl-am-See et Ebenfurth, sans risquer de finir au poste de police pour avoir pris une photo classée « hautement stratégique » !
Fin mars, le printemps n’est là que sur le calendrier. Le ciel est gris, il fait froid et humide lorsque nous arrivons dans le Land du Burgenland à une soixantaine de kilomètres au sud de Vienne. Du Danube à la Mur, cette région de lacs et d’étangs représente l’extrémité occidentale de la grande plaine de Pannonie. Administrativement rattachée à la Hongrie sous la monarchie austro-hongroise, sa population est en majorité germanophone, ce qui lui a valu d’être rattachée à l’Autriche lorsque l’empire des Habsbourg a été démembré en 1920.
La nouvelle frontière créée entre l’Autriche et la Hongrie est venue s’interposer dans le tracé d’un réseau ferroviaire très original constitué à la fin du XIXème siècle. Son axe principal, long de 118 km, relie les villes hongroises de Györ et Sopron à la gare autrichienne d’Ebenfurth, sur un des accès à l’artère du Semmering. Il a été ouvert entre 1876 et 1879 par une compagnie privée à la raison sociale bilingue : le Györ – Sopron – Ebenfurti Vasut (GySEV) / Raab – Oedenburg – Ebenfurther Eisenbahn (ROeEE).
Vient s’y greffer un axe secondaire Fertöszentmiklos – Neusiedl-am-See, long de 49 km et ouvert en 1897 par une autre compagnie privée « binationale » : le Fertövidéki Helyiérdekü Vasut (FHEV) / Neusiedlersee Bahn (NSB). C’est sur cette ligne que nous commençons notre visite…
Reportage José Banaudo (1975)
Nombre de photo(s): 14
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La 131T n° 123
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Notre premier contact avec ce réseau transfrontalier a lieu le 31 mars 1975 à la gare de Neusiedl-am-See. A gauche, un autorail hongrois Bamot série 701-702 construit en 1962 par Raba à Györ pour les chemins de fer nationaux Magyar Allam Vasutak (MAV), acheté en 1971 par le GySEV. Au centre et à droite, deux autorails autrichiens série 5045 / 5145 construits en 1955 à 1958 par SGP pour les Österreichische Bundesbahnen (ÖBB). Baptisés « Blauer Blitz » (éclair bleu), ils ont débuté leur carrière sur des relations rapides internationales de Vienne vers Venise et Berlin, avant d’être déclassés aux services régionaux.
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Le lendemain matin, 1er avril 1975, nous voici dans la plaine sous un ciel bas, près du village de Pamhagen. A cette époque le « rideau de fer » est toujours d’actualité. Côté autrichien un panneau indique « Achtung Staatsgrenze » (attention, frontière d’État) et deux bornes blanches gravées de la lettre Ö matérialisent la limite territoriale. Au-delà, ça ne rigole pas : dans le mirador, les garde-frontière hongrois nous observent depuis un moment à la jumelle, mais pas de risque : nous ne passerons pas à l’Est !
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Après l’instauration du régime communiste en Hongrie en 1949, les lignes d’Ebenfurth et de Neusiedl ont conservé contre toute attente leur statut international. La compagnie GySEV demeure une entreprise privée aux capitaux répartis entre les deux Etats et, malgré les vicissitudes de la politique et les périodes de tension internationales, elle poursuit la desserte voyageurs et marchandises des deux lignes. Ce matin-là, le train de marchandises Fertöszentmiklos – Neusiedl-am-See défile devant nous sur une voie faiblement armée, au ballast de gravier et aux rails fixés par crampons.
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La 131T n° 123 est une des six machines de ce type qui figurent au parc moteur du GySEV. Construite par les ateliers Magyar Allamvasutak Gépgyara (Mavag) à Budapest en 1925 elle fait partie d’un premier lot de quatre livrées neuves à la compagnie, les deux dernières étant rachetées aux MAV. Ces élégantes machines-tender sont conçues pour la desserte des lignes secondaires à armement léger, avec une charge totale ne dépassant pas 11 tonnes par essieu. Elles correspondent au type 375 des chemins de fer hongrois, livré à 596 exemplaires sur plus d’un demi-siècle, de 1908 à 1959. On les a vues non seulement dans leur pays d’origine mais aussi en Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie et Yougoslavie où des dizaines ont achevé leur carrière.
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Après la fin de la traction vapeur sur le GySEV en 1979, la locomotive 123 sera préservée en Autriche où elle se trouve aujourd’hui érigée en monument à Rohrbach-bei-Mattersburg, un village du Burgenland frontalier de la Hongrie.
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Le train marque l’arrêt à Pamhagen, la première gare en territoire autrichien. Contrairement aux autres points où les trains venus de l’Est ne dépassent pas la gare-frontière, ceux du GySEV pénètrent assez profondément à l’intérieur du pays : ici 39 km, en desservant plusieurs gares intermédiaires. Les cheminots des deux pays, qui se rencontrent quotidiennement, effacent le « rideau de fer » à chaque voyage…
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L’arrêt à Pamhagen se prolonge pour croiser un train de voyageurs se dirigeant vers la Hongrie.
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Après le croisement, la 123 reprend sa marche vers le nord. A l’entrée de Wallern-im-Burgenland, un puits à balancier et des charrettes en bois à quatre roues rappellent la proximité des grandes plaines du Danube.
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Nouvel arrêt à Wallern-im-Burgenland, pour prendre un wagon supplémentaire.
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Chargé d’un troisième wagon couvert en queue, le convoi reprend sa route vers Neusiedl-am-See où les wagons en provenance de Hongrie seront confiés aux ÖBB.
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Dans un paysage encore hivernal, nous voyons une dernière fois le train au sud du grand lac de Neusiedl. Nous allons l’abandonner là pour nous reporter sur la ligne principale du GySEV, Sopron – Ebenfurth.
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Nous sommes maintenant à Wulkaprodersdorf, à 27 km de la frontière. Dans cette gare de contact entre les ÖBB et le GySEV, un autorail ABbmot série 1 à 8 rencontre un train de marchandises tracté par 150 série 520. Ces autorails construits par Ganz à Budapest entre 1955 et 1958 ont pour particularité d’avoir cinq essieux, dont deux moteurs et un porteur regroupés sur un même bogie. Seuls deux ont été livrés neufs à la compagnie et les six autres ont été rachetés aux MAV.
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Sur la ligne Sopron – Ebenfurth, la voie lourdement armée permet au GySEV d’assurer un trafic marchandises plus intense au moyen de 150 « Kriegslok » d’origine allemande. Sur les 2100 unités saisies par l’Union Soviétique à la fin de la seconde guerre mondiale, une centaine ont été cédées en 1963 à la Hongrie où elles constituent la série 520. Parmi elles, huit ont été transmises au GySEV où elles vont être utilisées jusqu’en 1979. La 520.018 est l’ancienne 52.7443 de la Deutsche Reichsbahn, construite par Skoda en 1944.
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La 131T n° 123
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Notre premier contact avec ce réseau transfrontalier a lieu le 31 mars 1975 à la gare de Neusiedl-am-See. A gauche, un autorail hongrois Bamot série 701-702 construit en 1962 par Raba à Györ pour les chemins de fer nationaux Magyar Allam Vasutak (MAV), acheté en 1971 par le GySEV. Au centre et à droite, deux autorails autrichiens série 5045 / 5145 construits en 1955 à 1958 par SGP pour les Österreichische Bundesbahnen (ÖBB). Baptisés « Blauer Blitz » (éclair bleu), ils ont débuté leur carrière sur des relations rapides internationales de Vienne vers Venise et Berlin, avant d’être déclassés aux services régionaux.
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Le lendemain matin, 1er avril 1975, nous voici dans la plaine sous un ciel bas, près du village de Pamhagen. A cette époque le « rideau de fer » est toujours d’actualité. Côté autrichien un panneau indique « Achtung Staatsgrenze » (attention, frontière d’État) et deux bornes blanches gravées de la lettre Ö matérialisent la limite territoriale. Au-delà, ça ne rigole pas : dans le mirador, les garde-frontière hongrois nous observent depuis un moment à la jumelle, mais pas de risque : nous ne passerons pas à l’Est !
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Après l’instauration du régime communiste en Hongrie en 1949, les lignes d’Ebenfurth et de Neusiedl ont conservé contre toute attente leur statut international. La compagnie GySEV demeure une entreprise privée aux capitaux répartis entre les deux Etats et, malgré les vicissitudes de la politique et les périodes de tension internationales, elle poursuit la desserte voyageurs et marchandises des deux lignes. Ce matin-là, le train de marchandises Fertöszentmiklos – Neusiedl-am-See défile devant nous sur une voie faiblement armée, au ballast de gravier et aux rails fixés par crampons.
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La 131T n° 123 est une des six machines de ce type qui figurent au parc moteur du GySEV. Construite par les ateliers Magyar Allamvasutak Gépgyara (Mavag) à Budapest en 1925 elle fait partie d’un premier lot de quatre livrées neuves à la compagnie, les deux dernières étant rachetées aux MAV. Ces élégantes machines-tender sont conçues pour la desserte des lignes secondaires à armement léger, avec une charge totale ne dépassant pas 11 tonnes par essieu. Elles correspondent au type 375 des chemins de fer hongrois, livré à 596 exemplaires sur plus d’un demi-siècle, de 1908 à 1959. On les a vues non seulement dans leur pays d’origine mais aussi en Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie et Yougoslavie où des dizaines ont achevé leur carrière.
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Après la fin de la traction vapeur sur le GySEV en 1979, la locomotive 123 sera préservée en Autriche où elle se trouve aujourd’hui érigée en monument à Rohrbach-bei-Mattersburg, un village du Burgenland frontalier de la Hongrie.
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Le train marque l’arrêt à Pamhagen, la première gare en territoire autrichien. Contrairement aux autres points où les trains venus de l’Est ne dépassent pas la gare-frontière, ceux du GySEV pénètrent assez profondément à l’intérieur du pays : ici 39 km, en desservant plusieurs gares intermédiaires. Les cheminots des deux pays, qui se rencontrent quotidiennement, effacent le « rideau de fer » à chaque voyage…
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L’arrêt à Pamhagen se prolonge pour croiser un train de voyageurs se dirigeant vers la Hongrie.
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Après le croisement, la 123 reprend sa marche vers le nord. A l’entrée de Wallern-im-Burgenland, un puits à balancier et des charrettes en bois à quatre roues rappellent la proximité des grandes plaines du Danube.
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Nouvel arrêt à Wallern-im-Burgenland, pour prendre un wagon supplémentaire.
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Chargé d’un troisième wagon couvert en queue, le convoi reprend sa route vers Neusiedl-am-See où les wagons en provenance de Hongrie seront confiés aux ÖBB.
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Dans un paysage encore hivernal, nous voyons une dernière fois le train au sud du grand lac de Neusiedl. Nous allons l’abandonner là pour nous reporter sur la ligne principale du GySEV, Sopron – Ebenfurth.
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Nous sommes maintenant à Wulkaprodersdorf, à 27 km de la frontière. Dans cette gare de contact entre les ÖBB et le GySEV, un autorail ABbmot série 1 à 8 rencontre un train de marchandises tracté par 150 série 520. Ces autorails construits par Ganz à Budapest entre 1955 et 1958 ont pour particularité d’avoir cinq essieux, dont deux moteurs et un porteur regroupés sur un même bogie. Seuls deux ont été livrés neufs à la compagnie et les six autres ont été rachetés aux MAV.
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Sur la ligne Sopron – Ebenfurth, la voie lourdement armée permet au GySEV d’assurer un trafic marchandises plus intense au moyen de 150 « Kriegslok » d’origine allemande. Sur les 2100 unités saisies par l’Union Soviétique à la fin de la seconde guerre mondiale, une centaine ont été cédées en 1963 à la Hongrie où elles constituent la série 520. Parmi elles, huit ont été transmises au GySEV où elles vont être utilisées jusqu’en 1979. La 520.018 est l’ancienne 52.7443 de la Deutsche Reichsbahn, construite par Skoda en 1944.