Adieu au matériel actuel du Littorail de Neuchâtel (CH)
Le dimanche 27 octobre 2019, le musée du tram de Neuchâtel a organisé une journée spéciale en l'honneur des rames actuelles Littorail qui font bientôt s'effacer après près de 40 ans de bons et loyaux services.
Le tramway à Neuchâtel est une histoire ancienne : la compagnie du chemin de fer régional Neuchâtel Cortaillod Boudry (NCB) met en service le 16 septembre 1892 une ligne d'Evole à Boudry, prolongée en fin d'année d'Evole à la gare de Neuchâtel via la place Pury . En 1898, la compagnie des tramways de Neuchâtel (TN) met en service plusieurs lignes de tramway et c'est un réseau de 27 kilomètres et sept lignes qui atteindra son apogée en 1926 puis, à partir de 1940, les lignes de tramways seront remplacés par des trolleybus, à l'exception de la ligne suburbaine n°5 (aujourd'hui n° 215) qui nous intéresse aujourd'hui.
Cette ligne 5 subit deux amputations :
entre la gare et la place Pury, section primitivement à crémaillère jusqu'à son électrification en 1902 puis en simple adhérence jusqu'à 1910 et remplacée par la ligne de tram n°6 jusqu'en 1964. Aujourd'hui, un funiculaire moderne, le FUN'AMBULE, mis en service en 2001, est doté de cabines articulées uniques au monde, toujours horizontales !
L'antenne Areuse – Cortaillod est remplacée le 2 juin 1984 par un service d'autobus.
Longue de 8,82 km, la ligne à voie métrique est électrifiée en 650 V continu. Elle dispose de deux dépôts, l'un à Boudry, l'autre à Evole, à 400 mètres du terminus de Pury.
Elle est modernisée en 1981 : mise en place du block de ligne et dotation d'un nouveau matériel roulant baptisé Littorail. Les automotrices Be 4/4 (501 à 504 : 1981 et 505-506 : 1988) et leurs voitures pilotes Bt (551 à 554 : 1981)) étant réversibles, les boucles de Pury et de Boudry disparaissent. En raison de la construction d'un parc de stationnement souterrain, le terminus est éloigné de 40 mètres de la place Pury et accessible par un passage souterrain.
Il faudra attendre 1988 et l'arrivée des deux dernières Be 4/4 (505 et 506) pour que les matériels anciens de la ligne 5 soient totalement éradiqués : les quatre motrices articulées Breda ex-réseau de Gênes de1942 et les trois motrices bidirectionnelles SIG de 1947 ont assuré les services en soirée et la navette vers Cortaillod jusqu'à la fermeture de cette dernière.
Bien que parfaitement entretenues, les rames Littorail ne répondent pas aux normes d'accessibilité et vont être prochainement réformées et remplacées par un matériel d'occasion à trois caisses disposant d'une remorque centrale à plancher bas partiel, fabriqué par Stadler et livrées aux AB (Appenzeller Bahnen) en 2009. La première de ces cinq rames GTW, de type Be 4/8 numérotées 031 à 035 est déjà arrivée à Neuchâtel en vue de procéder à des essais et à une mise au point résultant du gabarit de la remorque surbaissée vis-à-vis de la signalisation en ligne.
Le 27 octobre dernier, c'est donc la rame 504/554 , pavoisée pour l'occasion et une rame historique dite « le Britchon »1 qui ont circulé gratuitement, intercalés entre les trains cadencés du service régulier. Succès d'estime pour la rame pavoisée, alors que le Britchon était pris d'assaut, S'il était facile d'y prendre place le matin, c'était moins évident dans l'après-midi où les trois voitures du Britchon (motrice 72 de 1922, remorques 143 TN et 1 SIG de 1894, ex-tram hippomobile) affichaient complet. Doté d'une motrice et de deux remorques, la jolie composition historique nécessitait des manœuvres de corps d'armée à Boudry mais aussi à hauteur du dépôt d'Evole, le parcours entre ce point et le terminus de Pury devant s'effectuer remorques en avant, pour que la motrice soit prête à s'élancer vers Boudry. A chaque fois, les manœuvres de chaque remorque se sont faites « à la Suisse », les véhicules étant poussés par les bénévoles du musée, sans que les voyageurs ne soient obligés de descendre pendant la manœuvre !
Le musée du tram à Areuse était grand ouvert toute la journée et desservi par toutes les circulations spéciales. Outre les nombreuses motrices et remorques exposées, en parfait état, « dans leur jus » ou en cours de restauration, on aura noté cette curieuse arroseuse n° 301, toujours susceptible d'être employée comme lame de déneigement sur la ligne ! Comme toujours, les Suisses avaient bien fait les choses, y compris au niveau de la restauration avec deux « food trucks » (camions-restaurants) offrant de la nourriture de qualité dont des saucisses et du vin blanc de Neuchâtel ! Avec modération, bien sur ! Le tout pouvant être consommé dans la salle de réunion – bar du musée !
Une belle journée d'adieu à un matériel encore bien agréable à emprunter. Et un Britchon beaucoup moins confortable mais bien sympathique et typique d'une époque révolue.
Bernard GOURNAY (texte et Photos)
1Le Britchon est tout à la fois le sobriquet désignant les Neuchâtelois, un fromage local... et le tram de Neuchâtel !